top of page

                  Nicolas de CONDORCET (sous le pseudonyme du pasteur Schwartz),                    Réflexions sur l'esclavage des nègres (1781) (extrait de la 4e note)

                           Condorcet sous le pseudonyme de Schwartz (=noir en allemand) s'inspire ici du naufrage des esclaves sur l'île de Sable (future Tromelin), attestant du certain retentissement qu'eut à l'époque ce naufrage auprès des élites européennes éclairées. Bernardin de Saint-Pierre et l'abbé de Rochon ont eux aussi écrit sur cette terrible histoire.

Analyse du texte par Maxime M., Julien F., Thomas G. et Thibault L.   

                               « ... Nous rapporterons ici deux traits, qui prouvent à la fois, combien les Européens sont éloignés, en général, de regarder les Noirs comme leurs semblables, et que cependant on peut citer quelques exceptions honorables pour l’espèce humaine. En 1761, le vaisseau l’Utile échoua sur l’Ile de Sable. M. de la Fargue, capitaine, ses officiers et l’équipage, composé de Noirs et de Blancs, employèrent six mois à construire une espèce de chaloupe. Elle ne pouvait contenir que les Blancs. Trois cents Noirs, hommes ou femmes, consentirent à leur départ, et à rester sur l’île, avec la promesse solennelle qu’aussitôt l’arrivée de M. de la Fargue à l’Isle de France, les Blancs enverraient un vaisseau pour ramener leurs malheureux compagnons. La chaloupe arriva heureusement à Madagascar, on demanda un vaisseau à l’administration de l’Isle de France, pour aller chercher les Noirs, laissés dans une île presqu’entièrement couverte d’eau à chaque marée, où l’on ne trouve ni arbres ni plantes, où ces trois cents Noirs n’avaient pour lit qu’une terre humide et  pour nourriture que des coquillages, des œufs d’oiseaux de mer, quelques tortues, le poisson et les oiseaux qu’ils pouvaient prendre à la main. M. Des Forges, alors gouverneur de l’Isle de France, refusa d’envoyer un vaisseau, sous prétexte qu’il courait risque d’être pris. En 1776, après treize ans de paix, M. le chevalier de Ternai envoya M. Tromelin, lieutenant de vaisseau, sur la corvette la Silphide, chercher les restes de ces infortunés, abandonnés depuis quinze ans. Il ne parait pas que dans l’intervalle on eût fait aucune tentative sérieuse. M. Tromelin, arrivé près de l’Isle de Sable, détacha une chaloupe, commandée par M. Page, elle aborda heureusement. On trouva encore sept Négresses & un enfant né dans l’Isle, les hommes avoient tous péri, soit de misère et de désespoir, soit en voulant se sauver sur des radeaux, construits avec les restes du vaisseau l’Utile. Ces Négresses s’étaient fait des couvertures avec les plumes des oiseaux qu’elles avoient pu surprendre. Une de ces couvertures a été présentée à M. de Sartine. »

Membre de la Société des Amis des Noirs fondée par Brissot, Clavière et Mirabeau, Condorcet définit dès l'introduction de son ouvrage Réflexions sur l'esclavage des nègres  (1788), que l'esclavage est un "crime". Deux siècles plus tard, le discours de Ch. Taubira le définira comme un "crime contre l'humanité".

« Réduire un homme à l’esclavage, l’acheter, le vendre, le retenir dans la servitude, ce sont de véritables crimes et des crimes pires que le vol. »

bottom of page