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                             Le "repentir" de Castellan du Vernet, 1772

1er lieutenant sur la flûte de l'Utile qui fit naufrage sur l'îlot de de Sable en 1761 (future île Tromelin) , Castellan du Vernet écrit ici au secrétaire d'Etat à la Marine afin que l'on honore la promesse faite quinze plus tôt aux esclaves abandonnés sur Tromelin: aller les sauver. Cette lettre est une sorte de "repentir", celui d'un homme qui a pris part à une activité frauduleuse de traite, mais que le naufrage transforme. Il veut se racheter et l'humanité l'engage à faire part de ses regrets. Cette lettre offre ainsi un regard optimiste sur l'humanité: tout homme peut changer de point de vue et tout faire pour se racheter. 

Analyse de Francesco C., Esteban A., Thomas G. , Thibault L., Alfred P. et Noé V.

Monsieur,

 

 L'humanité m'engage de vous faire part qu'étant premier lieutenant sur la flûte L'Utile,  j'eus le malheur d'éprouver son naufrage le 22 juillet 1761 sur l'île de Sable qui est au nord de l'Ile de Bourbon, sur laquelle nous restâmes cinquante-sept jours. Notre principale nourriture fut des oiseaux de mer  et leurs œufs, sans les secours desquels nos forces n'eussent pas été assez suffisantes pour construire une embarcation des débris que nous sauvâmes [et] qui ne furent pas assez étendus pour donner assez de capacité à l'embarcation [...] pour prendre quatre-vingt-dix noirs et négresses qui par leur travail assidu avaient le plus contribué à la sortie de cette Ile à l'équipage sauvé du naufrage [... Au final ce furent]  cent vingt-deux Européens qui furent sauvés sur l'embarcation construite, que nous nommâmes La Providence ; [elle] fit route pour Madagascar, et nous arrivâmes le quatrième jour à Foulpointe ; où le vaisseau le Silhouette nous reçut pour passer à l'Ile de France[... Je] représentais aux Commandants les obligations que nous avions [faites] aux noirs que nous avions été forcés à regret d'abandonner. Monsieur de St. Georges qui y commandait la Marine, m'avait promis une goélette pour les aller prendre. Mais on eut connaissance des ennemis à l'île Rodrigue, ce qui ralentit tous les motifs d'humanité, et toutes mes récidives représentatives furent infructueuses. En 1762, je repassai en France après l'assurance que les chefs m'avaient donnée qu'on y eut envoyé [un bateau] à la  belle saison prochaine. On m'a assuré qu'on ne l'a pas fait. Si ma santé qui est très délabrée par mes navigations, et surtout par les suites de ce naufrage, [ne l'était pas autant], je vous solliciterais Monsieur pour m'embarquer sur quelqu'un des petits bâtiments que vous faites partir, afin d'aller reconnaître l'île à distinguer s'il n'y resterait pas encore quelques-uns de ces infortunés noirs, ce qui est très aisé de découvrir sans mettre pied à terre, vu que l’île est plate, et entièrement dépourvue de bois ni verdure, ni susceptible d'en produire. On pourrait tirer quelques coups de canons qui réveilleraient ceux qui auraient pu exister. Je me ferai un devoir, de donner le plan de cette île.

 Je suis très respectueusement, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Castellan Du Vernet. A Lorient le 14 septembre 1772.

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