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 PROSPER MERIMEE, Tamango 1829

                   Dans cet extrait narratif, le capitaine considère les esclaves comme une "cargaison humaine", il les maltraite et ne    s'intéresse qu'aux "énormes bénéfices qui l'attendent". La musique ici n'adoucit pas le tragique car les matelots qui jouent du violon les obligent à danser pour les maintenir en forme, comme des chevaux: c'est un moyen d'avoir encore plus de bénéfice.

Analyse de Gwendoline D., Hugo D.

                

Le charitable interprète qui, la veille, avait sauvé la vie à six esclaves, s'approcha de lui [Tamango], banda sa blessure et lui adressa quelques paroles de consolation. Ce qu'il put lui dire, je l'ignore. [...]

Telle était la crainte qu'il leur inspirait encore, que pas un seul n'osa insulter à la misère de celui qui avait causé la leur.

Favorisé par un bon vent de terre, le vaisseau s'éloignait rapidement de la côte d'Afrique. Déjà sans inquiétude au sujet de la croisière anglaise, le capitaine ne pensait plus qu'aux énormes bénéfices qui l'attendaient dans les colonies vers lesquelles il se dirigeait. Son bois d'ébène se maintenait sans avaries. Point de maladies contagieuses. Douze Nègres seulement, et des plus faibles étaient morts de chaleur: c'était bagatelle. Afin que sa cargaison humaine souffrît le moins possible des fatigues de la traversée, il avait l'attention de faire monter tous les jours ses esclaves sur le pont. Tour à tour un tiers de ces malheureux avait une heure pour faire sa provision d'air de toute la journée. Une partie de l'équipage les surveillait armée jusqu'aux dents, de peur  de révolte; d'ailleurs, on avait soin de ne jamais ôter entièrement leurs fers. Quelquefois un matelot qui savait jouer du violon les régalait d'un concert. Il était alors curieux de voir toutes ces figures noires se tourner vers le musicien, perdre par degrés leur expression de désespoir stupide, rire d'un gros rire et battre des mains quand leurs chaînes le leur permettaient. L'exercice est nécessaire à la santé; aussi l'une des salutaires pratiques du capitaine Ledoux c'était de faire souvent danser ses esclaves, comme on fait piaffer des chevaux embarqués pour une longue traversée.

"Allons, mes enfants, dansez, amusez-vous", disait le capitaine d'une voix de tonnerre, en faisant claquer un énorme fouet de poste. Et aussitôt les pauvres Noirs sautaient et dansaient.

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