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VOLTAIRE Candide  1759
Par la voix d'un esclave maltraité, le narrateur dénonce la traite négrière où les hommes sont assimilés à des animaux. "C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe", l'esclave accuse directement l'homme blanc et les inégalités mises en place alors même que selon la religion "Nous sommes tous issus de Germains".
Analyse de Nina V, Esteban A., Paul B.

En approchant de la ville, ils rencontrèrent un Nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite.

"Eh! mon Dieu! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois?

- J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le Nègre.

-Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi? - Oui, monsieur, dit le Nègre, c'est l'usage. On nous

donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe: je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.

Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait: "Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux; tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère." Hélas! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous; les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste; mais si les prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germain. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible.

Mais dans Essai sur les mœurs, Voltaire écrit: "Leurs yeux ronds, leur nez épaté, leurs lèvres toujours grosses, leurs oreilles différemment figurées, la laine de leur tête, la mesure même de leur intelligence mettent entre eux et les autres espèces d'hommes des différences prodigieuses. Et ce qui démontre qu'ils ne doivent pas cette différence à leur climat, c'est que les nègres et négresses transportés dans les pays plus froids y produisent toujours des animaux de leur espèce et que les mulâtres ne sont qu'une race bâtarde."

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